Le 12 février le Pape François a nommé Margarita Bofarull Buñuel comme Membre Ordinaire de l’Académie Pontificale pour la Vie (PAV).
Ci-dessous, une interview avec elle par Rubén Cruz, publiée dans Somos Confer, mars 2021, n ° 25.
« Nous devons nous vacciner contre tout ce
qui nous empêche d’être prêt à Aimer. »
Le 12 février le Pape François a nommé Margarita Bofarull Buñuel comme membre ordinaire de l’Académie Pontificale pour la Vie (PAV). La religieuse du Sacré-Cœur de Jésus, née à Barcelone, a été Supérieure de la Province du Nord de l’Espagne de 2005 à 2011, et vice-présidente de la CONFER de 2009 à 2013. Diplômée en médecine et en chirurgie de l’Université de Barcelone en 1985, elle est également titulaire d’une licence en Théologie et d’une Maitrise en Théologie Morale de la Faculté de Théologie de Catalogne, ainsi qu’un diplôme de troisième cycle en médecine tropicale à l’Université de Barcelone. Elle a pratiqué le métier de médecin dans différentes cliniques et hôpitaux, tant en Espagne qu’au Pérou. Elle est actuellement présidente de l’Institut Borja de Bioéthique (Université Ramon Llull), Présidente du Comité d’Ethique des Soins de Santé de l’Hôpital de San Juan de Dios à Barcelone, professeur à la Faculté de Théologie de Catalogne et à l’Universidad Centroamericana Jose Simeón Canas (UCA) El Salvador, et Déléguée de la Foi et de la Culture de l’Archidiocèse de Barcelone.
Comment accueillez-vous ce nouveau service?
« Je suis membre correspondant de PAV depuis 2013. C’est-à-dire, nommée par le Président. En outre, il y a des membres ordinaires, qui sont nommés par le Pape. C’est ce qui s’est passé maintenant. Je l’accueille avec joie et enthousiasme, et avec le désir de pouvoir y répondre de manière généreuse, responsable et cohérente. Je l’accueille donc comme la personne que je suis : une religieuse, un médecin et un théologien. Je porte en moi la voix de nombreuses femmes, de la vie religieuse, et surtout de la vie religieuse féminine » .
Cela fait un an que le monde s'est arrêté à cause de la pandémie, comment avez-vous vécu cette période ?
« Cela m’a surprise à Barcelone, ou je vis. Le confinement m’a placée, comme la plupart des gens, dans une réalité totalement nouvelle et inconnue, ce qui m’a obligée à me concentrer sur les fondamentaux, à me laisser interroger par la réalité, en essayant de discerner ce que le Dieu de la Vie nous demandait. J’ai touché de très près la douleur de certains amis face à la mort solitaire de leurs proches. Je suis également affligée par la mort de mes chères sœurs et d’autres proches et connaissances. Tout cela avait une place privilégiée dans ma prière. J’ai essayé d’accueillir, d’accompagner et de me laisser interpeller par la douleur et la détresse de nombreux compagnons, souvent sans moyens, conscients d’être le seul contact humain pour les patients. Au niveau de l’enseignement, étant donnée la suppression des classes, continuer par des méthodes en ligne était un défi ; c’était aussi une opportunité. J’ai collaboré à l'élaboration de certains protocoles qui visaient faciliter la vie des personnes, éviter les contagions, et promouvoir des mesures responsables et solidaires. Dès le début, j’ai ressenti le besoin d’une réflexion approfondie sur les nombreuses questions éthiques que soulevait cette pandémie. Depuis l’Institut Borja nous avons créé, et proposé sur notre web à la fin du mois de mars, une banque de ressources sur le COVID-19. J’ai essayé de collaborer à de différentes initiatives, comme celle de l’Archevêché, qui a créé un service de soutien spirituel pour aider les professionnels qui le voulaient » .
François parle constamment de la nécessite de rendre les vaccins accessibles à tous. Seront-ils notre bouée de sauvetage?
« Les vaccins constituent une aide très importante dans la lutte contre le virus, mais ils ne sont pas la seule solution. En outre, de nombreuses de questions se posent, car nous ne savons pas quel type d’immunité ils laissent derrière eux, s’il sera nécessaire de revacciner, etc. En plus, il y a, par exemple, des questions de justice distributive des ressources de santé. N’oublions pas qu’une pandémie dans une population qui a un système fort de santé n’est pas la même chose qu’une pandémie dans une population dont les systèmes sociaux et sanitaires sont plus faibles. Les déterminants sociaux de la santé sont importants. On pourrait dire que notre santé est influencée autant par notre code postal que par notre code génétique. A Barcelone il y a des différences de presque trois années d’expectatif de vie selon le district où on habite. D'autre part, nous avons besoin de couverture universelle des vaccins. C’est inutile vacciner de petits pourcentages de la population mondiale » .
« Nous ne pouvons pas avoir de tels discours dépourvus de sens social quand nous parlons de fin de vie » .
Le Vatican a nié des soucis éthiques à propos des vaccins…
« Les vaccins approuvés n’offrent pas d’objections éthiques, pas même du point de vue d’investigation et de développement, au moins de ce que je sais. Le Vatican a aussi recommandé la vaccination comme une question de solidarité. Dans les résidences des religieux âgés que je connais, presque 100% des gens ont été vaccinés » .
Comme vice-présidente de CONFER vous avez connu la richesse de nombreux charismes. De cette perspective, quels autres vaccins les religieux doivent-ils prendre ?
« (Elle rit.) Dans les termes du virus, je suppose qu’ils doivent prendre les vaccins recommandés. Mais dans les termes d’attitudes et de comportement, nous devons être vaccinés contre tout ce qui nous empêche d’être disponibles, et être fidèles à notre vocation de proclamer la Bonne Nouvelle. Nous devons nous vacciner contre tout ce qui nous empêchent d’être prêts à Aimer. De l’autre côté, je voudrais dire, que pour moi, être Vice-Présidente de CONFER a été un don. Je porte beaucoup de noms de CONFER dans mon cœur ».
Vous êtes une des plus importants experts en bioéthique dans la Vie Religieuse. Est-il compréhensible qu'en pleine pandémie, l'Espagne promeuve une loi sur l'euthanasie ?
« C’est leur intention, évidemment. Le « comment » est aussi important que le « quoi ». Et le « comment » de cette loi est triste. Sur une question aussi importante, le débat social ne peut être négligé. Le magnifique rapport du comité de bioéthique espagnol a également été exclu.
On a joué avec la confusion de la terminologie. Nous tous ne comprenons le mot « euthanasie » de la même manière. C’est clair que tous nous voulons avoir une mort digne, ou une bonne mort. Regarde comment nous la voulons dans l’Eglise puisque nous avons St Joseph comme le saint patron d’une bonne mort. Or, le sens et le contenu du mot "euthanasie", et ce que la loi réglemente, ne sont pas d'ordre étymologique (en grec, il signifie "bonne mort"). L’euthanasie est un acte destiné à provoquer la mort d’une autre personne. Beaucoup de gens prétendent demander l’euthanasie lorsqu’en réalité ce qu’ils cherchent est de ne pas souffrir. Nous avons un arsenal thérapeutique contre la douleur, et même dans le cas d’une douleur qui ne répond pas au traitement, nous pouvons utiliser la sédation thérapeutique et ceci n’est pas euthanasie.
Il est aussi important de promouvoir la formation au soin palliative dans les facultés. En outre, il y a un consensus énorme éthique sur la rejection de l’obstination thérapeutique. C’est très triste qu’il y a des gens qui demandent la mort parce qu’ils se sentent un fardeau social. Je suis sûre qu’un bon réseau social découragerait beaucoup de pétitions. Ceci peut nous faire réfléchir aussi qu’en Europe, c’est seulement la Belgique, le Luxembourg, et les Pays Bas qui ont légalisé l’euthanasie. La vie est également une valeur communautaire. Nous ne pouvons pas avoir de tels discours dépourvus de sens social quand nous parlons de fin de vie. En tant qu'Église, nous devons nous engager à protéger, avant tout, les personnes qui se trouvent dans des situations vulnérables ».
Une interview de Rubén Cruz.
Republié et traduit en anglais et en français avec permission. Cliquez ci-dessous pour accéder au texte original.
Somos CONFER: La Vida Religiosa volcada con los enfermos en el primer año de pandemia